Par Sanda A. RAKOTOMALALA, Sarobidy RAKOTONARIVO, Manoa RAJAONARIVELO, Neal HOCKLEY, Mirindra RAKOTOARISOA, Laura RAFANOMEZANTSOA

« Cette réforme n’est pas seulement opportune, elle est transformatrice. En signant des contrats de délégation avec les gestionnaires d’aires protégées à l’échelle nationale, nous officialisons un changement fondamental : placer l’équité au cœur de nos efforts de conservation. Madagascar montre au monde entier que la protection de la biodiversité et l’amélioration des moyens de subsistance des communautés peuvent aller de pair. »

Madame la DAPRNE ouvre l’atelier avec un discours marquant sur la mise à jour des outils de gestion des Aires Protégées vers une gestion plus efficace et durable

Madame la DAPRNE ouvre l’atelier avec un discours marquant sur la mise à jour des outils de gestion des Aires Protégées vers une gestion plus efficace et durable

Ces mots de clôture de Madame le Directeur des Aires Protégées, des Ressources Naturelles renouvelables et des Ecosystèmes a capturé l’esprit  de cette journée du 12 août 2025. Cette date a marqué une étape importante pour la conservation à Madagascar. Après quatre années d’efforts collectifs multipartites, la réforme des politiques de gestion des aires protégées de Madagascarnotamment le Cadre de Gestion Environnementale et Sociale (CGES) a été officiellement présentée au comité du Système des Aires Protégées de Madagascar (SAPM).

Cet événement ne représente pas seulement l’aboutissement d’années de travail technique et de négociations, il ouvre aussi le début d’une nouvelle ère à Madagascar:  une gestion des aires protégées plus équitable, participative et conforme aux normes internationales.

De la réforme à la réalité

En 2020, le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) a lancé une réforme ambitieuse visant à rendre la conservation plus efficace et plus juste sur le plan social. L’urgence était claire : la biodiversité unique au monde de Madagascar est soumise à de fortes pressions, tandis que les communautés vivant à proximité des aires protégées supportent le prix des restrictions liées à la conservation.

Le CGES est né de cette réforme comme outil politique central. Il fournit un cadre cohérent pour aider les gestionnaires à anticiper, évaluer et atténuer les dommages potentiellement causés à l’environnement et aux moyens de subsistance des populations.

L’étude technique a été menée par le groupe de recherche Mitsilo à travers le projet MIRARI, qui a coordonné le groupe de travail national sur la réforme. Ce groupe a réuni des représentants du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable, de Madagascar National Parks, de l’USAID Hay Tao, de Natural Justice et de l’Office National pour l’Environnement.

Ce qu’apporte la réforme du CGES

La réforme du CGES fournit des directives souples mais fiables pour aider les gestionnaires des aires protégées à 1) identifier et évaluer les impacts d’une aire protégée à l’aide de méthodes adaptées à son contexte spécifique, 2) mettre en place des mesures de gestion environnementales et sociales appropriées afin de minimiser les dommages et maximiser les bénéfices, 3) effectuer un suivi et une évaluation efficaces, transparents et inclusifs, 4) négocier et établir des Conventions de Gestion Communautaire (CGC) avec les communautés locales, en veillant à ce que leurs voix et leurs droits soient respectés dans les processus de prise de décision.

Grâce à ces outils, la réforme renforcera la mise en cohérence entre les impératifs de conservation et le bien-être humain. Elle trace la voie vers des partenariats plus durables entre l’État, la société civile et les résidents locaux.

Practical tools made available to protected area managers as part of the CGES reform

Des outils pratiques mis à dispositions des gestionnaires d’aires protégées dans le cadre de cette réforme du CGES

Official opening and words of welcome before the series of presentations on the reform of the Environmental and Social Management Framework (CGES) for Protected Areas

Ouverture officielle et mots de bienvenue avant les séries de présentations sur la réforme du Cadre de Gestion Environnementale et Sociale (CGES) des Aires Protégées

Témoignages du terrain : pilotage de la Convention de Gestion Communautaire

L’un des temps forts de l’atelier fut le partage de l’expérience du pilotage de la Convention sur la Gestion Communautaire (CGC) dans l’aire protégée du Massif d’Itremo par le responsable de l’aire protégée (RBG Kew).

Bien que la CGC soit un outil de gestion obligatoire des aires protégées, conformément à la législation de 2015 sur les aires protégées (COAP), sa mise en œuvre restait limitée en raison d’un manque de directives claires et de ressources. Étant un des piliers de la réforme du CGES, la CGC a été testée dans le cadre du projet MIRARI afin d’évaluer sa pertinence sur le terrain et d’affiner les directives fournies dans le CGES. L’expérience d’Itremo a illustré de manière éloquente ce que la réforme peut accomplir lorsqu’elle est mise en pratique.

Grâce à la facilitation impartiale de l’équipe de MIRARI, les communautés locales et les gestionnaires des aires protégées ont pu s’asseoir autour d’une même table pour négocier et élaborer conjointement des règles de gouvernance qui concilient la conservation de la biodiversité et les besoins des populations. Le processus n’a pas été simple : les négociations ont été complexes, car il fallait trouver un équilibre entre les priorités en matière de conservation et les besoins et revenus des populations, ce qui a nécessité de la patience et des compromis, et les lacunes en matière de capacités se sont fait sentir. Cependant, le résultat a été transformateur et a prouvé que la confiance peut être rétablie lorsque le dialogue est sincère.

Pour le gestionnaire de l’Aire Protégée, RBG Kew, le résultat était clair : la CGC n’est pas un outil abstrait, mais un mécanisme pratique qui peut améliorer la gouvernance, renforcer la confiance et la responsabilité entre les cogestionnaires, et améliorer à la fois l’équité sociale et les conditions écologiques. Leur témoignage a rappelé à tous les participants que ce qui fonctionne à Itremo peut inspirer des solutions dans toutes les aires protégées de Madagascar.

The Itremo Protected Area manager shares their experience in implementing a Community Governance Convention

Le gestionnaire de l’AP Itremo partage son expérience sur la mise en place d’une Convention de Gestion Communautaire

Et maintenant?

Cet atelier ne marque pas la fin du processus, mais un tremplin vers la suite. Grâce aux financements de CLARE et de Darwin Innovation, des projets en cours fourniront un soutien technique pour accompagner la mise en œuvre des Conventions de Gestion Communautaire (CGC) et affiner leur utilisation sur différents sites. Il est important de noter que ce financement nous permettra de continuer à évaluer si et comment les CGC influencent la qualité et l’équité de la gouvernance. Au-delà du projet pilote à Itremo, deux autres aires protégées testeront bientôt cette approche, dans le cadre d’une évaluation soigneusement conçue comparant les sites témoins et les sites d’intervention, offrant ainsi des informations comparatives précieuses sur la manière dont l’outil s’adapte à différents contextes.

De plus, pour favoriser une adoption plus large, les efforts de renforcement des capacités joueront aussi un rôle crucial: des sessions de formation spécifiques en ligne pour les gestionnaires des AP et le personnel des Directions Régionales du MEDD sont prévues non seulement pour fournir des connaissances théoriques, mais aussi pour simuler des situations réelles. Ces exercices pratiques vont guider les responsables étape par étape pour s’assurer que les principales recommandations de la réforme se traduisent dans la pratique quotidienne.

Parallèlement à la formation et au soutien technique, l’équipe de MIRARI peaufine également des outils complets destinés à aider les praticiens à comprendre et à mettre en œuvre la réforme. Ces outils comprennent une série de films sur la CGC, des guides sur la CGC et le CGES, une Foire Aux Questions et d’autres documents synthétisant les concepts clés et les lignes directrices.

SAPM committees gathered to capture the closing moment of this technical workshop

Les comités du SAPM réunis pour immortaliser la fin de cet atelier technique

Un parcours qui ne fait que commencer

Ceci n’est que la première étape d’un long processus. Mais grâce à cette réforme, soutenue par des partenariats solides et étayée par l’expérience de terrain et des données probantes, Madagascar est mieux armé pour mettre en œuvre des processus qui respectent à la fois la biodiversité et les droits des communautés, et ainsi bâtir un avenir où la conservation et les populations locales prospèrent ensemble.

Remerciements

Ce projet a été rendu possible grâce au CLARE Research for Impact (R4I) Opportunities Fund. CLARE est un programme de recherche sur l’adaptation au changement climatique et la résilience, financé principalement (à environ 90 %) par UK Aid par l’intermédiaire du Foreign Commonwealth and Development Office (FCDO) et cofinancé par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada. CLARE comble les lacunes critiques entre la science et l’action en soutenant le leadership des pays du Sud afin de permettre une action socialement inclusive et durable pour renforcer la résilience au changement climatique et aux risques naturels.

Cet atelier a été organisé grâce à une subvention du ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas et du Centre de recherches pour le développement international (IDRC) du Canada. Les opinions exprimées dans le présent document ne reflètent pas nécessairement celles du ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas, du Centre de recherches pour le développement international (IDRC) ou de son conseil d’administration.