par Harifenitra Randriamialison et Sarobidy Rakotonarivo

Ce qui manque

Le niveau d’éducation reste très limité dans les zones rurales de Madagascar. C’est le cas pour la plupart des paysans dans notre zone d’intervention, dont certains ne savent ni lire ni écrire. Ainsi, même s’ils produisent ils ne savent pas comment enregistrer leurs dépenses et leurs produits, s’ils réalisent (suffisamment) de bénéfices ou s’ils travaillent à perte. Les rendements moyens des cultures vivrières restent bien inférieurs à leur potentiel, et la forte dépendance aux revenus agricoles, combinée aux aléas des prix du marché, enferme les communautés rurales dans la pauvreté et accroît leur vulnérabilité face aux impacts négatifs du changement climatique.

Dans nos sites d’étude, cinq techniciens de terrain accompagnent actuellement les agriculteurs à travers des séances pratiques mensuelles d’une heure, portant sur les pratiques agricoles climato-intelligentes (CSA) appliquées au café, au riz et au manioc, comme le compostage, les cultures de couverture, le paillage, et les cultures en courbes de niveau. Bien que cette approche offre le suivi et l’accompagnement nécessaires pour encourager les agriculteurs à adopter de nouvelles techniques agricoles plus risquées comme la CSA, ceux-ci manquent encore de compétences techniques et entrepreneuriales pour rendre leurs exploitations réellement rentables.

🌱 La Farmer Business School : apprendre à voir sa ferme comme une entreprise

La formation de l’Ecole d’Entrepreneuriat Agricole, ou « Farmer Business School (FBS) », permet aux agriculteurs de développer un esprit entrepreneurial et d’améliorer durablement leurs revenus agricoles. Pendant cinq matinées, les petits exploitants apprennent à calculer les coûts de production et les bénéfices liés à différentes activités agricoles. Cette formation les aide à découvrir le potentiel de revenus de leurs pratiques agricoles et à prendre des décisions éclairées concernant leurs activités. D’autres thèmes importants sont abordés, tels que la tenue des registres, les principes de gestion d’entreprise, l’orientation vers le marché et la planification financière.

Dans le contexte changeant de l’agriculture Malagasy, la formation FBS, développée à l’origine par la GIZ, offre un cadre à la fois opportun et transformateur. Plutôt que de percevoir la parcelle simplement comme un champ de subsistance, la formation invite les agriculteurs à la considérer comme une entreprise, avec ses ressources, ses coûts, ses risques et ses opportunités. Du premier module, « Gagner de l’argent grâce à l’agriculture », jusqu’aux modules fondamentaux tels que « Connaître les unités pour comprendre ses ressources » et « Gérer son exploitation pour avoir assez de nourriture », les participants sont guidés pour relier leur travail quotidien à une logique économique plus large.
Le résultat ? Un passage de l’agriculture de subsistance à une planification rentable, permettant aux ménages de mieux faire face aux fluctuations du marché, aux chocs climatiques et aux changements d’usage des terres, avec confiance et lucidité.

👥 Les bénéficiaires : 2 000 familles engagées pour le changement

Le programme vise 2 000 ménages agricoles, regroupés au sein de 93 Associations Villageoises d’Epargne et de Crédit (AVEC) dans le sud-est de Madagascar. La formation est mise en œuvre par la GIZ à travers son Projet PrAda (Adaptation des chaînes de valeur agricoles au changement climatique) en tant qu’une des interventions testées dans le cadre de notre essai controlé randomisé en cours. Elle a débuté le 13 octobre 2025 et s’étendra sur environ quatre mois. Chaque session dure cinq demi-journées consécutives et comprend entre 25 et 30 participants. La formation est dispensée par sept formateurs de la GIZ.

La formation adopte une approche participative, permettant aux bénéficiaires d’interagir entre eux ainsi qu’avec le formateur. Elle est menée de manière très pratique afin de garantir que les participants — pour la plupart des adultes au faible niveau d’instruction — puissent assimiler facilement les différents concepts et exercices. Par exemple, chaque participant apprend à utiliser des outils simples comme une calculatrice ou un décamètre. Chacun reçoit également un cahier d’exercices et un crayon pour suivre et pratiquer pendant la session.

🌱 Développer des compétences, saisir des opportunités

Au fil des modules, le parcours de formation s’enrichit : « L’argent qui sort et qui entre » incite à réfléchir sur la performance de l’entreprise ; « Prendre les bonnes décisions pour bien gérer son entreprise » renforce la capacité de planification ; et « Saisir les opportunités pour diversifier les activités agricoles et générer plus de revenus tout au long de l’année » ouvre de nouvelles perspectives.
Parallèlement, les modules sur la gestion financière tout au long de l’année, l’accès aux services financiers et les avantages liés à l’appartenance à une coopérative agricole invitent les agriculteurs à s’intégrer dans des réseaux et des systèmes auxquels ils n’avaient souvent pas accès auparavant. Les dernières sessions, axées sur la production de produits de qualité, l’investissement dans des cultures de rente et « Devenir un entrepreneur dans la pratique », viennent parachever cette transformation.

La formation FBS fait bien plus qu’un simple appui technique : elle vise à doter les agriculteurs d’un véritable esprit entrepreneurial, d’outils concrets et de réseaux utiles — autant de leviers essentiels pour une agriculture plus résiliente, équitable et adaptée au changement climatique à Madagascar.

Certains participants viennent de villages éloignés, parcourant plusieurs kilomètres à pied pour rejoindre le lieu de formation situé dans le chef-lieu de la commune. Cela témoigne de leur détermination à apprendre. Certains agriculteurs marchent près de trois heures aller-retour, quittant leur foyer tôt le matin pour assister à la séance de 8 heures, et ne rentrant chez eux que tard dans l’après-midi ou en soirée.

💬 Témoignages du terrain

Harifenitra – Data Manager, ARISE-Hope

« J’ai passé en revue les 12 modules de formation ainsi que le guide du formateur, et je suis impressionné par la richesse et le caractère pratique du contenu du FBS. Je pense que ce type d’éducation financière est exactement ce dont les agriculteurs ont besoin pour réussir dans leurs entreprises agricoles et élargir leurs perspectives »

Ravelo – Technicien de terrain, ARISE-Hope

« Avant, les agriculteurs travaillaient très dur, sans jamais faire de calculs préalables. Aujourd’hui, grâce à cette formation, ils comprennent l’importance de tout enregistrer et de planifier avant d’agir. »

Aveline – Agricultrice, Ihorombe

« Je suis déterminée à mettre en pratique tout ce que j’ai appris. Si vous revenez pour un suivi l’année prochaine, vous verrez un changement positif dans la manière dont je gère ma ferme, ainsi que dans mes revenus »

Bienfait – Technicien de terrain, ARISE-Hope

« Cette formation FBS renforcera la capacité des agriculteurs à améliorer leurs exploitations familiales. Les formateurs transmettent également les connaissances de manière simple et engageante, en utilisant des activités interactives pour aider les participants à rester attentifs et à retenir l’essentiel. »

🔗 Pour en savoir plus

  • GIZ Afrique : Farmer Business School – Des femmes rurales prêtes pour le business (https://gender-works.giz.de/competitions/africa-regional-farmer-business-school-rural-women-fit-for-business/)
  • Programme PrAda : Adaptation des chaînes de valeur agricoles aux changements climatiques (GIZ Madagascar)